En résumé…

M.340 en Baie de Somme pour la Fête de la Vapeur 2016
M.340 en Baie de Somme pour la Fête de la Vapeur 2016. Cliché Pepinster.

1904 : construction par la Compagnie française de matériel de chemin de fer

1910 : ajout d’un fumoir et changement de châssis par les Ateliers du Nord de la France (Blanc-Misseron)

1929 : allongement à 14,20 m et transformation en motrice à 4 moteurs Sprague-Thomson

1936 : reconstruction par Brissonneau et Lotz

Avec la dernière reconstruction de 1936, la M.340 reçoit une caisse plus haute compensée par une hauteur de lanterneau raccourcie de 6 cm. Le résultat est assez disgracieux, mais il permettait de réaliser des économies de reconstruction en réutilisant une partie de la loge de conduite de 1904 (comme les autres motrices des séries M.1 à 34, 57 à 80, 330 à 349). La M.340 rejoint la ligne 4 puis finit sa carrière sur la ligne 5 en 1979. Elle est ensuite transformée par la RATP en tracteur Diesel (TA.01) avec montage d’un groupe électrogène pour les manœuvres aux ateliers de Choisy. Récupérée en 2003 par l’Ademas, la M.340 a fait l’objet de travaux considérables : remise en livrée extérieure d’origine, recâblage complet, peinture intérieure, changement du groupe électrogène… Depuis 2003, elle est la motrice active de la rame verte.

Table des matières

Des origines à la fin de service voyageur

L’Album du matériel roulant était un catalogue interne de matériel roulant de la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP). Ces planches présentent la série M.330 à M.389 qui illustrent l’état initial de la M.340 : 10,85 m de long, loge de conduite métallique, compartiment voyageurs « bois » de 8,35 m, du même modèle que les remorques à essieux en service depuis 1902.

Sur ce cliché de 1904, on voit nettement un dispositif d’évacuation, devant la porte de la loge de conduite, mis en place après la catastrophe de la station Couronnes, l’année précédente. Le métro n’a que 4 ans mais les rames circulent toutes les 3 minutes et occupent presque toute la longueur des quais (75 m).

Cette carte postale ancienne illustre la M.305 en tête d’un train à La Chapelle dans les années 1920.

Plusieurs voitures de la série ne seront pas modifiées, ou seulement dans les années 1930. De ces voitures non modifiées, seule subsiste, de nos jours, la M.305, dans la collection RATP. Elle est exposée au Musée des transports urbains (aujourd’hui sur le site de Villeneuve-Saint-Georges). Cette voiture fut reconstruite/remise en état pour les 75 ans du métro.

Après la fermeture du Musée des transports urbains à Saint-Mandé et en attendant une réouverture hypothétique, la rame retrouva les rails du réseau du métro lorsqu’elle fut présentée à la station Porte d’Ivry en septembre 2002 pour les journées du patrimoine.

À leur modification à partir de 1931, trois motrices sont conservées en l’état pour la traction des trains de travaux. Le tracteur T.14 est justement l’ancienne motrice M.305, aujourd’hui conservée, vue en 1963, aux ateliers de la Villette et sur le chantier de mise sur pneus de la ligne 1, en 1962.

De cette époque, il subsiste, dans la M.340 à Versailles, deux composants :

  • le numéro de la voiture, maintenu au fil des reconstructions, pour des raisons opérationnelles et fiscales. En effet, tout véhicule mis en service en France est autorisé au terme d’un processus d’inspection par le « service des Mines », le paiement de taxes et conclu, si satisfaisant, par une autorisation préfectorale. En « reconstruisant » le véhicule, cette procédure était simplifiée et moins coûteuse.
  • La première moitié de la loge de conduite, conservée lors de l’ultime reconstruction « à neuf » de 1929, à l’origine de la différence de hauteur de caisse entre les motrices à petit lanterneau d’aération et tout le reste du parc.

La plaque de châssis de notre M.340 est remise par le collectionneur qui l’avait récupérée de nombreuses années auparavant !

Du reste, à ce stade et jusqu’à la reconstruction de 1929, cette motrice n’est pas… une Sprague-Thomson.
En effet, le système Sprague-Thomson n’apparaît de série qu’en 1907 — comme la motrice M.517 —, elle n’est imposée au matériel neuf qu’à partir de 1913, et sa généralisation aux voitures plus anciennes est conclue en 1936.

Reconstructions

Première reconstruction de 1910, sur le modèle des motrices « 400 » livrées neuves quelques années plus tôt, allongement à 13,35 m par adjonction d’un compartiment voyageur métallique entre la loge et la caisse bois. On distingue que ce compartiment voyageurs n’est pas vitré : c’est en effet un « fumoir »… où l’on pouvait fumer ! Cette disposition disparaît avec la première Guerre Mondiale.

Ces clichés pris aux ateliers de Saint-Fargeau (ligne 3) présentent la MB.410 et la MB.415, deux motrices de la série « 400 » qui servirent de modèle pour la reconstruction des séries « 300 ».

Cette couverture de magazine scientifique jeunesse, de 1923, illustre justement l’intérieur d’une motrice du même type entre les reconstructions de 1910 et de 1929. Et la voiture n’est toujours pas « Sprague » : on distingue, à gauche, le caisson circulaire de l’équipement de traction « Westinghouse multiple ».

De cette époque, il subsiste un élément : la porte de la loge de conduite, dont la décoration est en émail brun, alors que le reste de la voiture reconstruite en 1936 est en émail gris.

La reconstruction suivante, de 1929, n’a été photographiée sur aucun véhicule. La M.340 fait partie de cette toute première série de voitures modifiées pour quatre moteurs, tout en conservant les différentes générations successives de caisses antérieures. Ce principe n’est pas apparu satisfaisant, et les motrices reconstruites ensuite (comme les M.103 ou M.268 de l’Ademas) le seront intégralement « à neuf » ; seul subsiste de la voiture d’origine le numéro du véhicule… et les bogies Arbel !

Au terme des reconstructions « à neuf » et, à quatre moteurs, menées de 1930 à 1935 des motrices à deux moteurs, livrées de 1900 à 1905, subsiste le lot de motrices modifiées en 1929, selon un principe non retenu en définitive.

Aussi, ces voitures seront de nouveau reconstruites en 1936, selon le principe « à neuf », mais sous forme « économique ». La première moitié de la loge est réutilisée, modifiant la hauteur de caisse — ce qui leur voudra l’appellation « motrices à petit lanterneau » — et l’aspect : la loge de 1903 est en tôle peinte, le reste de la caisse en tôle émaillée.

Il n’est pas connu de photographies de la M.340 en exploitation. Elle est d’abord longtemps affectée à la ligne 4, qu’elle quitte vers 1965 lors de la mise sur pneus. Elle remplace ensuite des motrices d’avant la première Guerre Mondiale sur la ligne 10, où elle roule jusque fin 1973/début 1974. Avec l’arrivée de matériel contemporain sur la ligne 10, elle est mutée sur la ligne 2 en remplacement de motrices des années 1920. Enfin, en 1976, les voitures « petit lanterneau » sont regroupées en grande partie sur la ligne 5, où notre M.340 cesse de transporter des voyageurs début 1979.

Mais, contrairement à ses congénères, elle n’est pas démolie…

Une carrière dans la maintenance

Depuis les années 1930, des véhicules voyageurs réformés sont réservés pour la traction des trains de travaux et les opérations de maintenance.

La M.340 aura une destinée unique parmi la grande famille des « véhicules auxiliaires », renommés plus joliment VMI, pour « véhicules de maintenance des infrastructures », dans les années 1990.

En 1979, elle est partiellement éventrée sur une face, dotée d’un groupe Diesel-électrique Berliet d’occasion et son équipement de traction est modifié pour la « marche lente ». Il s’agit en effet de manœuvrer très précisément les véhicules en révision aux ateliers, alors qu’ils ne sont plus opérationnels ou lorsqu’ils se trouvent sur des voies non électrifiées.

Elle est peinte à la couleur jaune des véhicules auxiliaires et est renommée TA.01, pour « tracteur d’atelier ».
                   ou
Elle fait donc une transition, elle adopte la livrée jaune des véhicules auxiliaires et change son nom pour celui de TA.01, comme « tracteur d’atelier ».

Elle est ainsi utilisée jusqu’au milieu des années 1990, essentiellement aux ateliers de Choisy, mais également à Saint-Ouen et à Boulogne.

En raison de l’installation de treuils pour les manœuvres, elle se retrouve sans emploi et elle est envoyée sur une voie de stockage des ateliers de la Villette en vue de sa réforme. Mais, une fois encore, elle échappe à un sort funeste.

Une carrière dans le tourisme

En effet, sa conservation est pressentie par l’Amtuir — le musée des transports urbains —, en vue de profiter de sa source d’énergie embarquée pour faire rouler quelques tramways historiques. Mais celle-ci trouvant une source de meilleures dimensions auprès du Cercle ouest parisien d’études ferroviaires, c’est à l’Ademas que la RATP accepte de céder le TA.01.

La voiture est transportée depuis Paris — bogies d’une part, caisse de l’autre — ainsi que la remorque mixte allégée AB.5338, prêtée pour deux ans par le Patrimoine RATP afin de commencer le service.

Pour les Journées portes ouvertes du 5e Régiment du Génie, les 13, 14 et 15 juin 2003, la formation « métro », à deux voitures, roule aux côtés des autres véhicules invités, et notamment la locomotive Mikado 141 R 840 de l’AAATV, ainsi qu’un locotracteur rail-route Veraro (à partir d’un Dodge WC 51 de la seconde guerre mondiale) qui faisait partie des véhicules exposés sur les Champs-Élysées à l’occasion de l’événement « Train capitale ». Différents arrêts sont assurés sur la ligne circulaire du Camp des Matelots.

Le séjour provisoire se prolonge, et, en septembre 2003, le camp ouvre à nouveau ses portes pour les Journées du Patrimoine. On décape alors les parties émaillées indûment peintes et la motrice retrouve sa couleur verte !

Fin 2003, arrive à Versailles la motrice grise M.268. Ce véhicule démotorisé, rénové en Mayenne par l’Ademas quelques années auparavant est photographié pour la première sortie de la formation M.340 – AB.5338 – M.268, le 1er janvier 2004 !

Début 2004, la M.340 est mise à l’arrêt pour un — délicat — levage de l’avant de la caisse et la révision de son bogie avant. Par la même occasion, des câbles à l’isolement défectueux sont remplacés par des neufs, et la commande de conduite depuis la motrice inactive opposée (la M.268) est mise en place.

Les Journées du Patrimoine 2004 sont un franc succès, environ 4 000 personnes viennent faire « un tour en métro à Versailles ». La RATP ayant confié à l’Ademas la remorque de 1re classe Ab.284, la remorque mixte AB.5338 assure la librairie.

En 2005, au sein du Camp des Matelots, l’atelier du métro se déplace vers un bâtiment plus adapté, permettant de mener les travaux dans des conditions correctes de confort et de sécurité.

En attendant la remise en service des colonnes de levage — obtenues de la RATP à l’occasion de leur remplacement par des neuves dans un atelier de maintenance —, la M.340 est levée à l’aide de vérins et un de ses moteurs, défectueux, est changé, nécessitant l’aide du Régiment pour lever cette pièce… de 3 tonnes.
L’attelage arrière est révisé à cette occasion.

Une fois les colonnes de levage mises en service, la M.340 est levée pour entretien et graissage. Tout ceci est terminé à temps pour assurer les Journées du Patrimoine 2007, avec la rame grise, par ailleurs mise en service.

En 2007, dès la fin des Journées du Patrimoine, le groupe Diesel-électrique Berliet, équipement d’occasion des années 1960, mis en place par la RATP pour ses manœuvres en 1979, est déposé. Il est donné à l’Amtuir afin qu’elle puisse faire rouler des tramways et il est remplacé par un autre groupe électrogène, d’occasion à nouveau, plus puissant.

Le précédent groupe produisait directement du courant continu à l’aide d’une dynamo. Le nouveau groupe est issu de l’industrie et produit du courant alternatif. Aussi, un redresseur de courant est installé dans la motrice, équipé de sécurités réglementaires (arrêt d’urgence). La commande des portes est aussi améliorée pour plus de sécurité.

L’intérieur du véhicule est intégralement repeint et la structure du plancher adaptée au support du nouveau groupe. L’occasion d’un entretien de structures difficilement accessibles, incluant le replacement du cylindre de frein.

Nous en avons profité pour changer le cylindre de frein dont le léger défaut n’était pas réparable.

Pas de chance ! À l’été 2008, lors d’une manœuvre de stationnement, la M.340 déraille sur une portion de voie déformée. Le 11 septembre 2008, à l’aide du service de relevage de la RATP, la voiture est remise sur les rails.

Tout ceci est de nouveau mené à temps pour garantir le succès des Journées du Patrimoine 2008.

Des bogies d’occasion, dotés d’essieux en bon état, ont été obtenus suite aux réformes de tracteurs de travaux sur le réseau RATP. Ils remplacent les anciens bogies, non sans en avoir récupéré toutes les pièces utiles. La M.340 est désormais dotée, de plus, d’un roulement sur « boîtes à rouleaux », plus fiable et plus robuste que l’ancien dispositif par « boîtes à huile ».

À l’été 2011, en vue d’assurer de façon fiable la première « sortie » de l’Ademas en-dehors de Versailles : sa participation à la Fête de la vapeur en Baie de Somme 2013, le groupe électrogène d’occasion est remplacé par un appareil neuf, grâce aux efforts de tous pour financer cet appareil coûteux. Le dispositif d’éclairage en basse tension est pour la première fois réalisé avec cette voiture. Une « prise de parc » permet d’alimenter le train lors d’essais sans mettre en marche le groupe.

Peu avant le départ pour la Baie de Somme, est ajouté un système de radio embarqué.

Fête de la Vapeur 2013

Les 27 et 28 avril 2013, l’Ademas participe donc à cet événement biennal.

Au petit matin, la motrice M.340 est déchargée de la remorque qui lui a permis de faire le voyage jusqu’au réseau du chemin de fer de la Baie de Somme.

Ce site exceptionnel permet de faire des vues originales de rames de métro « au vert ». Ici, la rame composée des motrices Sprague M.340 et M.1266 encadrant la remorque Abm.5 roule sur le viaduc surplombant les écluses de Saint-Valery-sur-Somme.

Une foule d’amateurs et de curieux se presse autour de la rame pour garder des souvenirs vidéo et photographiques, en gare de Saint-Valery-sur-Somme.

La M.340 a pu côtoyer des cousines à vapeur, comme ici, la locomotive des Ateliers de construction de La Meuse 030T no 3223, dite « Bébert », du Stoomtrein Maldegem-Eeklo (Belgique).

Fête de la Vapeur 2016

En prévision de l’édition 2016 de la Fête de la Vapeur, les réservoirs principaux sont échangés afin de respecter leur période de validité. Les défauts de tôlerie de la loge de conduite sont réparés, puis elle est repeinte…

Le relevé de la vitesse est mis en place… L’un des membres s’est installé sous la caisse, levée, pour souder le capteur qui mesurera la vitesse sur l’un des essieux moteurs.

Les couteaux traction en loge, source de danger, sont mis hors tension — mais sont laissés en place pour leur esthétique. Ils sont remplacés par des contacteurs électromécaniques de puissance fabriqués par Gigavac.

La commande des contacteurs et des portes est rassemblée dans un boîtier technique fonctionnel. Un peu de lumières colorées pour enfin égayer la loge de conduite ! 😄

La première formation verte à 5 voitures de l’Ademas apparaît sur la carte de vœux 2018 !

La rame se compose des voitures suivantes :

  • Motrice M.340
  • Remorque de 2e classe Bb.546
  • Remorque mixte ABm.29
  • Remorque mixte ABm.5
  • Motrice M.1266

Journées européennes du patrimoine 2019

En 2019, c’est le retour des Journées du Patrimoine au Camp des Matelots, après la certification de l’activité « Chemin de fer historique & touristique » de l’Ademas par Certifer selon le référentiel technique du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (le SHIELD… euh, le STRMTG). Pour l’occasion, l’Ademas a cassé sa tirelire et offert à la M.340 de splendides armoiries de la Ville de Paris, conformes aux véhicules livrés après la Première Guerre mondiale, avec la présence de la Croix de Guerre décernée à la Ville en 1919 et qui figure à côté de la Légion d’honneur décernée en 1900.