En résumé…
Pour exploiter des lignes à trafic limité, la CMP commande des remorques mixtes 1re/2e classe, au début des années 1930. Cette capacité était bien suffisante sur les lignes les moins importantes.
Identique à la ABm.5, la ABm.29 a été choisie pour servir de décor au salon de réception aménagé en 1968 pour Métrobus, la régie publicitaire de la RATP.
L’intégralité de l’aménagement intérieur a été démonté et remplacé par une architecture très « sixties » avec un décor laqué conçu par la designer Ginette Clément. En 1999, cette remorque a été récupérée par l’Ademas qui l’a utilisée comme voiture de cantonnement sur son site en Mayenne. En 2012, la ABm.29 a rejoint Versailles pour y être restaurée et remise en état d’origine. Elle circule depuis 2016 sur la rame verte à Versailles.
Table des matières
Des origines à la fin de service voyageur
L’Album du matériel roulant, édité par la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) en 1939, et réédité par RATP en 1960, illustrent l’état inchangé des origines à nos jours de cette voiture de la série ABm.1 à 53, renumérotée AB.5201 à 5253, en 1936. De subtiles variantes techniques et esthétiques existent toutefois entre les différentes sous-séries.
Quelques vues de ces véhicules apportant un concept nouveau ont été prises lors de leur construction et livraison. Sur cette photo prise chez le constructeur en février 1932, notre ABm.29 est en avant-dernière position au loin !
Une autre vue d’une voiture similaire est prise en 1942 aux ateliers de Charonne. Cet atelier fut le tout premier du métro et on aperçoit, derrière la ABm.31, la voie en forte rampe reliant la petite ceinture à l’atelier du métro. C’est par cette voie que furent livrées toutes les voitures mises en service de 1900 à 1935 — puis, la ligne 1 étant prolongée jusqu’à Vincennes, un raccordement plus commode est constitué avec la ligne de la Bastille, actuel RER A.
La ABm.29 va donc circuler sur la ligne 2 au sein de formations de 4 voitures jusque fin 1966-début 1967. Afin d’offrir le minimum nécessaire de places de 1re classe sur une ligne n’ayant pas beaucoup de clients de cette classe, ces mixtes à 4 portes, offrant deux surfaces identiques dans les deux classes, sont couplées à des mixtes plus anciennes. Des remorques de 1909 à 3 portes modifiées en mixtes en 1930, pour lesquelles la 1re classe ne forme plus qu’un tiers de la voiture. Ces quelques vues rares illustrent ces trains dans leur décor de l’époque.
Contrairement à sa cousine ABm.5, notre voiture — renumérotée AB.5229 en 1936 — n’aura pas la joie de faire bénéficier aux voyageurs ses sièges de première pour le prix de la seconde, et les multiples couches de peinture additionnelles à décaper !
Mais c’est un destin bien singulier qui va en définitive permettre de préserver ce véhicule…
Un salon d’accueil pour réceptions privées
Avec une autre remorque du même modèle, libérée de la ligne 2 et sans emploi, elles sont modifiées en salon d’accueil cossu, réalisé pour le compte de la Régie publicitaire des transports parisiens, plus connue sous le nom de « Métrobus publicité ». Elle y reçoit ses clients importants : son mobilier est déposé, ses parois sont recouvertes de panneaux, un bar est installé et des œuvres décoratives viennent agrémenter ce véhicule d’apparat. L’ensemble est complété de moquette et rideaux.
Le salon d’accueil est ainsi installé en février 1968 dans l’ancienne station de Porte Maillot, terminus d’origine en 1900, et inutilisé depuis 1934 au profit de la station actuelle, plus profonde, permettant de lancer le prolongement à Neuilly.
Puis, la voie de Maillot étant requise pour des travaux, il est décidé de transférer le salon d’accueil à Invalides, dans une partie jamais mise en service de la station, construite pour un service circulaire empruntant plusieurs lignes qui ne fut donc pas exploité.
Ce déplacement intervient en novembre 1970 ; à cette occasion, la seconde remorque aménagée est remplacée par une voiture de seconde classe issue du parc de la ligne 8 : la Bb.753.
Ce salon d’accueil poursuivra toujours ses activités jusqu’au courant des années 1990, où la vue d’une voiture ancienne si mutilée a visiblement choqué !
En 1999, la ABm.29 quitte Invalides pour être remplacée par la M.1266, devenue inutile comme motrice de réserve de la rame historique RATP « A.475 ».
La ABm.29, sans intérêt patrimonial avec son aménagement en salon, est promise à la démolition. L’Ademas se propose de la sauvegarder et la RATP accepte de lui en faire don, elle quitte Paris en juillet 1999.
Une voiture « de cantonnement » en Mayenne
La voiture est réceptionnée en Mayenne, et quelques travaux y sont effectués afin de transformer la voiture-salon en une base vie, tout en respectant son aménagement un peu daté et ne manquant pas de charme.
Après avoir tiré une ligne électrique et une arrivée d’eau, le comptoir du bar est avancé afin d’y installer une cuisine. Un espace salle à manger est ajouté ainsi que des lits pour les vaillants membres venant passer le week-end pour poser de la voie ferrée ou rénover les véhicules. L’œuvre d’art de Ginette Clément, cachée sous un tableau blanc, est remise au jour !
Arrivée à Versailles et révision intégrale
Afin de porter la rame de 3 à 4 voitures, pour rouler en baie de Somme à l’été 2016, il est décidé au printemps 2014 de rénover la ABm.29. La révision débute le 14 juillet 2014.
Tout d’abord, le véhicule est mis sur colonnes de levage, pour permettre l’inspection et l’entretien des composants sous caisse, et notamment du freinage. Les bogies sont révisés ainsi que les organes de choc et de traction. Sa dernière révision datait de janvier 1967 !
L’opération technique se termine par un changement de ses vieux essieux par des exemplaires tout neufs, dotés de roulements à rouleaux.
Les montants métalliques de la caisse et le toit sont grattés jusqu’au métal et repeints. Près de 100 kg de goudron — parfois utilisé à la place de la peinture pour imperméabiliser — sont retirés de la toiture ! Les portes, les cadres de fenêtres et de publicité, les poussoirs pneumatiques de portes, les boîtes de contact de portes sont tous déposés, décapés et repeints.
Le plus difficile a été de trouver l’aménagement intérieur composé de 24 banquettes, leurs pieds et les mains courantes. En effet, elles semblent toutes identiques mais, dans le détail, les subtilités de dimensions, de sens de pose, de points de fixation requièrent le modèle exact. L’Ademas a donc sollicité les membres qui pouvaient en posséder dans leur collection et réalisé des acquisitions en brocante ou salle des ventes. À sa mise en service, il ne manque plus que 3 banquettes et la plupart des mains courantes.
Les bois sont intégralement décapés et revernis. Le sol mérite une mention particulière : le ciment magnésien rose, d’origine, avait été recouvert d’un ragréage de ciment gris, égalisant le support de la moquette.
Après avoir vérifié que ce matériau ne contenait pas d’amiante, il fut délicatement déposé avec spatules et marteaux, prudemment, afin de ne pas dégrader le sol d’origine conservé. En fonction de la densité du matériau, le ragréage gris partait en de larges plaques comme millimètre par millimètre. L’opération dura quelques mois !
La voiture est terminée en mars 2016, à temps pour circuler en Baie de Somme fin avril.
La rénovation intérieure est complétée…
De retour de Baie de Somme, la voiture est présentée aux adhérents lors de l’assemblée générale, puis lors des Journées du patrimoine, où elle accueille le stand de librairie.
Un lot de mains courantes de voitures est alors obtenu, ainsi que les trois banquettes manquantes.
Les mains courantes sont nickelées en même temps que celles de la Ab.284 et réinstallées à l’automne 2017.